Papier chiffon

Viens, je t’emmène avec moi sur une route qui serpente la montagne noire, avant d’en emprunter une autre, plus petite, qui chuchote que l’arrivée est proche. Depuis le  parking encore désert à cette heure matinale, on va prendre le petit sentier qui nous invite à rentrer dans la forêt, pour cheminer à pied jusqu‘au moulin.

Nous y sommes ! L’endroit est magique, animé par des passionnés, qui accueillent avec cœur et partagent leur savoir-faire avec générosité.

Le temps est crachoteux, gris, 100% humide mais je m’en fiche, aujourd’hui je fais du papier. Au creux de la forêt, au bord de la rivière bruyante comme il se doit pour un moulin, l’endroit m’ouvre ses bras. Le Moulin à papier de Brousses, le dernier moulin en activité dans la région qui en comptait beaucoup, du temps de la manufacture royale.

Un endroit à histoire(s), authentique, ou je vais faire mes premiers pas en papier chiffon.

J’avais commencé de mon côté à travailler sur le papier recyclé, pour donner une suite aux nombreuses chutes de (joli) papier qui s’accumulent dans mon atelier au fil des découpages. Je vous en avais touché deux mots. J’avais avancé à coup d’expériences, de ratages, de tâtonnements, de tutos de toutes sortes et dans toutes les langues avec, petit à petit, des résultats qui commençaient à me plaire. Après tant de tâtonnements, j’étais donc très impatiente d’opérer sous les instructions d’une spécialiste, avec des outils ad hoc, et de me lancer.

J’ai chaussé des grandes bottes et un tablier en plastique, humé l’air de l’atelier creusé dans la roche, écouté les instructions, les noms des outils, regardé les gestes, répété ceux-ci  avec application, manié l’eau et le tamis, plongé dans la pulpe et c’était parti. La pile s’est formée, de mes feuilles. J’aurais pu rester encore et encore, à plonger, égoutter, coucher, empiler, rincer.

Il y a eu la pause déjeuner, avec la joyeuse équipe du moulin qui a rajouté des couverts sur la table improvisée et fait un accueil  à l’image du lieu, souriant et accueillant.

Puis l’après-midi, Laurence m’a invitée à tenter des inclusions, des impressions, des formats plus grands, des papiers plus ou moins épais…. A  la fin de la journée, les papiers pressés ont pris place au séchoir, sous la charpente. Je suis repartie avec quelques feuilles, pour la soif, et j’ai laissé le gros de ma production au moulin. Patience, on te les enverra quand elles seront sèches…

Je suis sortie de cette journée des étoiles dans les yeux. J’ai tout aimé. Le lieu, ceux qui y travaillent et le font vivre, les outils, les tas de tissu pleins d’histoires, le ruissellement de l’eau, les odeurs de la forêt, de la pulpe qui macère et du café à la pause. Le soleil s’est levé, le ciel était tout bleu, la forêt s’ébrouait, c’était déjà la fin de la journée.

Cette journée au Moulin, c’était mon cadeau de Noël, mon ‘bon pour’ qui a pris forme,  aux beaux jours, pour apprendre à faire du papier, dans les règles de l’art; du papier chiffon.

J’ai adoré. Merci Benoît pour ce joli Noël, merci Laurence pour ta patience et le partage de ton savoir-faire, merci à André et son épouse pour l’accueil  à leur table et la journée passée au Moulin. J’ai des idées et de projets à la pelle, je reviens vite!